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07/11/2007

Les Iroquois

Les iroquois descendent des chasseurs asiatiques, ayant suivi les migrations du gibier sur les terres gelées reliant autrefois les deux continents, qui sont arrivés à des périodes diverses à partir de -15 000 avant J.C. sur un continent vierge où aucune preuve de vie d’hommes archaïques n’a été établie jusqu’à aujourd’hui. Leurs terres d’origine se situent au nord de l’actuelle ville de New York, où l’on a retrouvé des traces de peuplement de maison en rondin qui date du Xème siècle avant notre ère. Ils se sont ensuite étendus dans tout le nord-est des Etats-Unis et le sud-est du Canada.
 
« Le peuple aux longues maisons»
 
Selon la tradition iroquoise, il n’existerait qu’une seule tribu jusqu’au XIVème siècle. C’est à cette époque que les Algonquins, autre peuple indien, leur auraient appris l’agriculture. Ce qui transforme alors ce peuple de chasseurs en une société d’agriculteurs, semi sédentaires qui vivent de la culture du maïs, du blé et de la courge ; ainsi que de la chasse et de la pêche en complément. C’est également à cette époque que naît la Gayanashagowa (« la grande loi qui lie »), la constitution iroquoise, sous forme de maximes récitées par cœur qui se transmet de génération en génération. Elle régit la vie au sein d’une tribu mais aussi entre les différentes tribus de la Confédération Iroquoise : Haudenosaunee, c'est-à-dire « Les Cinq Nations », qui était composée des Goyogouins, des Agniers, des Onneiouts, des Onontagués et  des Tsonnontouans.

Elle constituait la plus forte entité politique en Amérique du Nord durant les deux siècles précédant l’arrivée des européens. Les iroquois se donnent d’ailleurs ce nom de Haudenosaunee, qui signifie « peuple aux longues maisons », alors que les européens ont, selon certains, déformé une phrase prononcée en fin de discours par les indiens : « Hiro kone » (« je l’ai dit ») ; et selon d’autres, ils auraient emprunté le surnom donné par leurs ennemis : « Irinakhoi » (« serpent à sonnettes »). Dans une société souple et consensuelle, les iroquois élisent leur chef qui se doit plus de les convaincre que de leur imposer quoique ce soit. Animistes, ils vivent en harmonie avec la nature. Les signes, les rêves et les présages sont considérés comme un moyen de communication avec les forces divines : les animaux, les plantes, les fleuves, les rochers et les plaines. Le chaman intervient quand ce lien harmonieux est brisé mélangeant les prérogatives d’un prêtre et d’un médecin.
 
La mère, pilier de la tribu
 
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Les iroquois vivent dans de longues maisons construites de troncs d’arbres entrelacés et recouverts d’écorce qui pouvaient mesurer jusqu’à 7 mètres de hauts et 30 mètres de long et donc abriter entre cinq et dix familles. Elles étaient regroupées en un village pouvant compter plus de mille personnes et entourées le plus souvent d’une haute palissade en bois. L’organisation sociale y est matriarcale, matrilinéaire et matrilocale : la mère possède la terre, détermine le lignage, administre le village pendant que les hommes sont à la chasse Ce sont les femmes qui accueillent mari et enfants dans leur clan et non l’inverse. Ce sont également elles qui choisissent le chef de la tribu. Leur société est égalitaire et la notion de propriété leur est inconnue. Tout appartient à la communauté et chacun jouit du produit des récoltes et des chasses à part égale. Ils vivent donc principalement de l’agriculture et de la culture sur brûlis, déplaçant leur village au gré de la fertilité des sols et laissant des pistes qui relient les différents villages iroquois. Car même s’ils vivent en autarcie, incapables de stocker, le réseau commercial est très vaste.

De l’ouest à l’est, les échanges sont multiples et réguliers entre Sioux, Cree et Winnebago ; Algonquins, Hurons et Iroquois (tabac, maïs, peaux, …). Mais les relations sont délicates : sécurité des marchands, réciprocité, … Il arrive souvent que l’échange tourne mal si bien qu’il devient habituel d’utiliser des otages pour s’assurer que les marchés soient respectés. Un meurtre « banal » peut anéantir de longues relations commerciales. On suppose que c’est ce qui se passa entre les Iroquois et les Algonquins. En 1500, entre 7 et 9 millions d’individus peuplent le continent nord-américain, soit environ 1400 tribus parlant plus de 200 langues. Les iroquois représentent alors 1% des habitants du Nouveau-Monde.

L’Orient, ses épices et sa soie
 
http://lewebpedagogique.com/cdilyceemonnet/files/2009/09/john-cabot.jpgDe l’autre côté de l’Atlantique, les européens sont en quête d’une route maritime qui leur permettrait de rejoindre les Indes par l’ouest afin de favoriser le commerce avec cette riche région. C’est ainsi que Christophe Colomb « découvre » un nouveau continent en voulant se rendre en Inde, c’est du moins ce que l’on cru pendant longtemps. Car on sait maintenant que des pêcheurs bretons, anglais et portugais avaient découvert l’embouchure du Saint-Laurent quelques décennies auparavant, alors qu’ils fréquentaient les eaux au-delà de l’Islande, il furent portés par vents et courants vers les côtes américaines. Ayant trouvé les eaux les plus poissonneuses du monde, on comprend mieux qu’ils ne s’en soient pas vantés. L’Espagne est la première puissance européenne à s’installer en Amérique, aux Antilles, à la fin du XVème siècle. Le Portugal rallie à son tour « les Indes » en 1497 grâce à Vasco de Gama et, selon le Traité de Tordesillas de 1494 qui détermine le partage du Nouveau-Monde, prend possession du Brésil dès sa découverte en 1500 par Amerigo Vespucci. La même année, John Cabot sous le pavillon anglais, débarque sur les rives des îles de Terre-Neuve (au nord-est du Canada) où il croit, lui aussi, « découvrir » des zones de pêche exceptionnelles.
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François 1er, irrité par les succès espagnols, portugais et anglais, envoie Giovanni Verrazano, un marin italien, à la découverte de ce qui se situe entre Terre-Neuve et les terres hispaniques du sud. Que pensaient ils y trouver ? Certainement un chapelet d’îles et avec un peu de chance une route vers la Chine. Mais jamais ils n’ont pensé à un nouveau continent, indépendant du vieux. Verrazano, soucieux de ne pas s’approcher des eaux espagnoles, décida de ne pas s’aventurer trop vers l’ouest. Une fois parvenu au large de la Floride, il remonta le long de la côte est et arriva à la pointe sud-est du Canada qu’il baptisa l’Arcadie. Suite à cette expédition, François 1er rencontra le Pape Clément VII en 1533 et obtient le droit de pouvoir constituer un empire outre-mer entre la Floride espagnole et la Terre-Neuve anglaise. Le roi rêve de sa route vers l’Orient, ses épices et sa soie.
 
Les premières expéditions françaises et la fondation de Montréal
 
http://hrsbstaff.ednet.ns.ca/phillie/SocialStudies/Atlantic/cartier1.jpgIl envoie alors Jacques Cartier qui arrive à l’embouchure d’un fleuve au sud de Terre-Neuve le 10 août, jour de la Saint-Laurent, et lui donne alors ce nom. Deux Indiens qui avaient été ramenés en France par Verrazano crient leur joie en apercevant leurs terres : « Canada » et leur fleuve « qui vient de si loin qu’aucun homme n’est jamais allé jusqu’au bout ». Cartier croit alors se trouver à l’extrémité est du continent asiatique et s’engage sur le fleuve dont les rives sont occupées par les Iroquois. Il va jusqu’à une île sur laquelle se tient le village d’Hochinga et qu’il baptise « Mons realis » (Mont royal en latin). Il lui a fallu trois expéditions et huit années pour atteindre le site de la future Montréal, dont peu sont revennus, victimes d’épidémies et de l’hostilité des Indiens. Durant la deuxième partie du XVI siècle, le pouvoir français, endigué dans ses problèmes intérieurs, renonce à financer de nouvelles expéditions. Mais au début du siècle suivant, après de dramatiques querelles religieuses et sous l’impulsion d’Henry IV, le désir d’exil permet un nouvel essor colonial en Amérique.
 
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Samuel Champlain reprend le flambeau et fit sortir de terre en 1600, Tadoussac, le premier fort français, à l’embouchure du Saint-Laurent. Il poursuivit sa route sur le fleuve et fonda Québec en 1608. Dès lors, des compagnies éphémères émergent avec l’assentiment royal ou non, et le commerce se met en place progressivement entre colons et autochtones. Pendant ce temps là, Champlain dépasse le village d’Hochinga et découvre la région des grands lacs occupée par les Hurons avec lesquels il s’allie, se retrouvant ainsi impliqué dans des conflits intertribaux contre les iroquois qui convoitent le contrôle des grands lacs. Dès 1615, Champlain avait l’idée de construire une ville sur le fleuve, qui constituerait alors l’axe de la Nouvelle-France ; car il avait entendu parler par les indiens d’un immense réseau fluvial au cœur du continent lequel, il l’espère, le mènera jusqu’en Chine. Paul Chemedey de Maisonneuve concrétisera son idée en 1642 en fondant le village de Ville-Marie qui devient quelques années plus tard la ville de Montréal.
 
Les premiers bouleversements
 
Durant la seconde partie du XVIème siècle, alors que le Pouvoir français rétablissait la stabilité dans ses rapports avec ses voisins, les Iroquois faisaient de même. En 1570, ils se fédèrent dans une nation sous le nom de Ligue des Cinq Nations (qui devient Ligue des Six nations en 1722 après l’entrée des Tuscaroras) qui comptent environ 22 000 personnes en 1630. Ce rassemblement de toutes les tribus iroquoises n’est pas anodin, il prépare les prochains affrontements contre les Hurons et les Algonquins auxquels prendront part les français. L’arrivée des colons bouleversa complètement le fragile équilibre qui règne alors dans la région. Les français développent vite des relations militaires et commerciales avec les Hurons qui dominent le sud de la région. Les amérindiens se rendent vite compte de l’avantage technologique que leur apporte le commerce avec les européens notamment grâce aux lames métalliques et pressent les français pour en avoir toujours plus.

En échange, ils leurs apportent de la fourrure car, en Europe, la mode est au feutre et au cuir dont le besoin est très important. Une chasse effrénée démarre alors, dont les iroquois sont en partie exclus, bloqués dans leur pays par l’alliance franco-huronne, ainsi que ses autres ennemis : les Mohicans à l’est et la Nation du feu au sud. Les conflits déjà existants entre les différentes tribus prennent alors un nouvel essor. Au début du XVIIème siècle, de violentes batailles repoussent les Iroquois dans leurs terres ancestrales, au Canada, principalement au Québec. De 1648 à 1653, les Iroquois ripostent et s’en prennent aux Hurons et aux français ; ils parviennent à affaiblir la confédération des Hurons et commencent à menacer la colonie de Nouvelle-France. On rapporte de ces cinq années de batailles des témoignages horrifiants qui marquent les esprits de toute la communauté des colons. Torture, cannibalisme, mise à mort, … tout y passe, dans les moindres détails. C’est de ce contexte que débute notre histoire.
 
Entre la peur et le besoin de l’autre
 
En 1654, c’est l’année de la peur. Des deux côtés, les années de guerres ont fait des ravages. Les colons vivent dans l’incertitude la plus totale. Loin de leur pays, ils doivent s’adapter à un nouvel environnement et à des conditions climatiques parfois difficiles, et travailler dur pour survivre et développer la civilisation sur ces nouvelles terres ; alors qu’en mer se multiplient les guérillas commerciales contre les britanniques et les hollandais. Dans la peur constante d’un nouveau « raid amérindien », principalement iroquois. Car les Iroquois ont payé le prix fort pour ces années de lutte. La population a diminué de moitié en à peine un demi siècle. Les guerres ne sont pas les seules responsables. Les européens ont ramené avec eux de nombreuses maladies : rougeole, variole, tuberculose, … qui font des ravages sur la population amérindienne, incapable d’y faire face. Les raids sont donc pour eux un moyen de renouveler leur population en adoptant des prisonniers. Ainsi, tout au long des années de guerre, les Iroquois ont remplacé nombre de leurs morts par des prisonniers hurons et français. L’adoption est une pratique courante chez les iroquois. En temps de paix, elle participe aux alliances commerciales, militaires, culturelles ; et permet de mieux se connaître l’un l’autre en formant des interprètes et des ponts entre deux peuples.

Mais en temps de guerre, l’adopté est soumis à un rituel beaucoup moins solennel. Roué de coup, puis laissé en vagabondage pendant quelques jours, il assiste ensuite à la torture et à la mise à mort des autres prisonniers. Le message est clair : « Devenir iroquois ou mourir ». On lui donne alors un nouveaux nom, une nouvelle famille, de nouveaux habits, … Pierre Radisson, capturé en 1652 et qui ressemble beaucoup à notre héroïne, nous raconte : « elle m’enduisait de graisse, me peignit les cheveux, m’apporta du blé d’Inde grillé, une couverture bleue, des mocassins et de quoi faire une culotte. Elle regarda mes vêtements pour voir s’il y avait des poux ; si elle en trouvait, elle les écrasait avec ses dents comme un mets délicat. Je me suis couché près de son fils, l’homme qui m’avait capturé ». Il est alors considéré comme l’un des leurs. L’acculturation est très rapide et profonde. Certains ont été retrouvés et ramenés en France, mais ne pensaient qu’à une chose : retrouver leurs « terres et [leurs] familles ».

« Au lieu de franciser les sauvages, ceux-ci ont sauvagisé les français. »
 
Personne ne les comprenait. Car il régnait chez les européens un sentiment de supériorité évident et une volonté d’apporter aux indiens ce qu’il ne connaissait pas et ce qui semblait leur manquer. En tête de liste, la religion et la royauté : Henry IV émet le souhait de « faire connaître le nom et l’autorité du Roi, amener les peuples à la connaissance de Dieu ». En deux mots : les convertir et les assujettir. A l’arrivée des colons, les amérindiens les prenaient pour « les habitants des eaux car ils les voyaient venir de la mer et y retourner ». Curieux de cet « homme qui est dans un canot de bois », les indiens sont fascinés par ces hommes blancs et toutes leurs possessions inconnues qu’ils découvrent pouvoir obtenir contre quelques fourrures. Très vite, les européens comprennent l’intérêt de nouer des contacts solides avec les différentes tribus. Les colons doivent maintenir des relations amicales avec les indiens afin de développer le commerce de fourrure. Des jeunes sont envoyés chez les indiens pour être éduqués tandis que des indiens sont ramenés sur le vieux continent, le plus souvent pour être montrés.

http://img37.picoodle.com/img/img37/3/2/19/trappeur/f_Furtradem_87831d9.jpgLes coureurs des bois, qui commercent directement avec les indiens, sont nombreux à adopter la langue, les pratiques et même les coutumes des indiens ; s’appropriant certaines de ses attitudes : le goût de la chasse, le sens de l’honneur, le plaisir de fumer, … Au contraire, si les indiens semblent curieux, ils ne semblent pas attirés par le type de société que leur proposent les européens, probablement car ils se sentent incapables de s’adapter dans un monde aussi différents de celui qu’ils connaissent. Fiers et orgueilleux, ils ne veulent pas adopter la religion unique que tentent de leur inculquer les jésuites et affirment leur volonté d’indépendance vis-à-vis du Roi. Ce peuple, « sauvage » selon Jacques Cartier car « c’est le plus pauvre qui existe au monde », résiste aux tentatives européennes d’acculturation. Les chrétiens sont choqués par « cette absence de croyance » et méprisent les « superstitions » et traditions indiennes.
 
L’absence d’institutions solides, de justice fiable et le profond sentiment d’indépendance qui anime les indiens poussent les européens à croire que l’anarchie règne en maître au sein de ces tribus. Le besoin que montre les européens à s’enrichir et à dominer dépasse complètement les indiens. Des deux côtés, on ne se comprend pas. D’un côté, le prestige s’acquiert grâce à la possession. De l’autre, il augmente au fur et à mesure des dons. Les valeurs ne sont pas les mêmes, les motivations non plus. Ainsi, durant les décennies qui suivent, les iroquois furent matés, déplacés. Si certains se sont finalement convertis et intégrés dans la nouvelle société américaine, la plupart vivent toujours dans les réserves de l’Etat de New York dans lesquelles ils furent déportés au début du XIXème siècle.

 
http://www.editions400coups.com/img/books/covers/497.jpgChronologie :
 
Xème siècle avant J.C. : premières traces de vie (maisons en rondins) sur les terres qui se situent entre Adirondacks et les chutes du Niagara.
XIVème siècle : apprentissage de l’agriculture (algonquins) et introduction de la culture du maïs.
1535 : Jacques Cartier découvre Québec
1570 : création d’une union iroquoise sous le nom de Ligue des cinq nations.
1630 : la population iroquoise est estimée à 22 000 personnes dans tout le nord-est des Etats-Unis et le sud-est du Canada.
1648-1653 : Les iroquois attaquent les Hurons, les Algonquins et les français ; et parviennent à affaiblir la confédération qui se disperse.
1660 : Les Iroquois livrent la bataille de Long-Sault qui menace la colonie de Nouvelle-France.
1666 : Les soldats français attaquent les iroquois qui se résignent à signer la paix l’année suivante.
1700 : la population iroquoise est estimée à 6 000 personnes principalement au Canada.
1720 : Rédaction de la Gayaneshagowa, la constitution de la nation iroquoise, qui s’est transmise oralement durant des siècles sous formes de maximes.
1722 : entrée des Tuscaroras dans la ligue qui devient la Ligue des six nations.
1779 : alliés aux britanniques durant la guerre d’indépendance, les iroquois sont repoussés jusqu’en Ontario par Georges Washington et son armée qui envahit leurs terres ancestrales.
1807 : les Goyogouins vendent leurs terres New-yorkaises pour rejoindre d’autres tribus en Ohio.
1828 : les Onneiouts, une des tribus iroquoises restées aux Etats-Unis, sont déportés dans une réserve du Wisconsin.
Aujourd’hui : les Onontagués, les Tsonnontouans et les Tuscaroras vivent toujours dans des réserves de l’Etat de New York
 
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